LE CANAL DE ROUCHAS FRACH :
UN CANAL DE MONTAGNE

 

 

Faut-il parler d'hydraulique paysanne et plus spécifiquement de cet important réseau d'irrigation mis en place dans le Queyras ? On peut affirmer que l'histoire de l'hydraulique commence 4000 ans avant J.C. dans les mondes cyro-mésopotamien, égéen, égyptien, indien et chinois.
Dans notre région, l'eau vient d'en haut. Le relief est imposé par la configuration particulière du massif haut-alpin. S'il faut que les canaux courent à flanc de montagne, c'est exclusivement à des écoulements de type gravitaire que nous avons à faire. Ainsi, dans chaque vallée, chaque lieu où l'arrosage sera envisagé comme nécessaire, se mettront en place de véritables réseaux d'irrigation.

Nos Anciens furent ingénieux et ingénieurs pour capter, conduire et distribuer le précieux liquide. Pour la croissance végétale, cet arrosage organisé fut sans nul doute non négligeable. Il favorisa certainement une augmentation en volume et en quantité, la durée et la qualité de l'arrosage jouant, à n'en pas douter, un rôle non négligeable.

Le canal d'arrosage de Rouchas Frach compte parmi les plus anciens du Queyras. La plupart des spécialistes s'accordent sur le fait qu'il doit dater d'il y a au moins 7 siècles.

Tracé d'est en ouest, sur les adrets d'une vallée très ouverte, la vallée de l'Aigue Agnelle, le canal d'arrosage des villages de Fontgillarde et du Coin prenait son eau dans l'Aigue Agnelle, au lieu-dit Rouchas Frach ("Le gros rocher cassé") auquel il doit son nom.

 

De cet ouvrage qui s'étire sur plus de 8 kilomètres, il ne demeure aujourd'hui que des vestiges d'une remarquable et émouvante beauté. Le canal est beau par la vue splendide qu'il offre sur la vallée de l'Aigue Agnelle jusqu'aux montagnes de l'Oisans.

 

 

Le canal est beau aussi du travail des hommes. Le canal de Rouchas Frach qui, pendant des siècles, a apporté la vie aux habitants de Fontgillarde et du Coin, alliait le fonctionnel et l'utile. Chaque geste accompli à destination du canal était d'abord pour la famille et la communauté, puis pour les enfants et les petits-enfants, puis pour tous ceux qui vivraient encore et toujours du canal à travers les âges.

 

L'utilisation et l'entretien du canal étaient soumis à une organisation très stricte. Chacun des paysans ne pouvait pas disposer de l'eau comme il le souhaitait. Une répartition était faite, sous le contrôle du "preÿer" (homme chargé de la distribution de l'eau) : chaque soir, celui-ci attribuait une certaine durée d'utilisation de l'eau, en fonction de la surface à irriguer. Un registre ("la parcelle") permettait de déterminer précisément la répartition. Et pas question d'essayer de tromper le "preÿer"...

Les corvées d'entretien étaient établies par le procureur qui avait, par ailleurs, en charge toutes les corvées propres à l'entretien des chemins et de tout ce qui était utile à la communauté. La corvée du canal commençait dès la fonte des neiges. Elle consistait à déblayer les endroits où la terre avait coulé avec la neige, à réparer les murs aval, à entretenir les "agoutaÿes" : ces encoches dans le canal, d'un format très précis, permettaient, grâce au système des "estanchos " (écluses) de faire couler l'eau dans des rigoles et des canaux secondaires.
Il fallait plusieurs heures pour remplir le canal. Pendant ce long parcours, l'eau avait eu le temps de tiédir au soleil. L'arrosage n'en était que plus efficace.

 

Le canal de Rouchas Frach permet de prendre conscience du lien étroit qui unissait les hommes à leur canal. Ils avaient établi avec lui une sorte de "cycle vertueux". L'eau du printemps, infiltrée lentement en profondeur dans le sol et restituée en été dans le torrent de l'Aigue Agnelle, venait arroser le pied de l'herbe quand le soleil était le plus fort. Le bétail, les vaches et les moutons, en échange de cette herbe nourrissante, donnaient un lait lui-même nourrissant. Qui, directement ou sous forme de fromage, donnait aux hommes, aux femmes et aux enfants des villages les forces nécessaires à la vie, à leur vie et à celle du canal.
Pendant des siècles, ce cercle vertueux a tourné, tant bien que mal. Plutôt bien que mal. Mais qu'un maillon de cette chaîne eau-canal-herbe-bétail-homme vienne à céder, alors tout s'arrête. Le cercle est brisé.

La dernière corvée a eu lieu au printemps 1914. Plus de corvée en 1915, 1916, et ainsi de suite. Rouchas Frach cessa alors de vivre...

 

 

LE CANAL DE ROUCHAS FRACH EN 2006

Pour une visite panoramique du canal : http://www.panorama360.fr/001canal/Tourviewer_001panocanal.html
Si vous n'arrivez pas à visualiser le panorama, vous pouvez télécharger gratuitement le lecteur java : http://www.java.com/fr/download/

La prise d'eau du Canal de Rouchas Frach

 

Au Monument du Général Pellegrin

 

Oratoire de Notre-Dame du Berceau

 

Le Berceau

 

Une vue du canal

 

Le double tracé du Canal à Notre-Dame du Berceau :
une énigme

 

Le Canal au lieu-dit Coste-Malpassant

 

Au Riou du Pasquier

 

Au Cougnas

 

La vallée de l'Aigue Agnelle

 

Une vue du canal

 

Des canaux secondaires

 

Après avoir franchi le Riou des Rousses

 

A la Combe de Mar

 

Traces des barres à mines utilisées pour creuser la roche

 

Une vue du canal

 

Le village de Fontgillarde vu du canal

 

Les villages du Coin et de Pierre-Grosse
vus du canal